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Formule 1 : “c’est mieux maintenant” ou “c’était mieux avant” ?

De nos jours, les discussions des fans de Formule 1 de la première heure tournent souvent autour des “évolutions” négatives apportées par cette discipline, supposée représenter le sommet du sport automobile. Régulièrement, des vidéos de courses “d’antan” sont partagées sur la toile et illustrées de multiples commentaires nostalgiques. S’agit-il de critiques de fans vieillissants systématiquement opposés à la moindre progression technologique ou de réelles observations objectives ? La vérité se situe très probablement entre les deux. Alors, afin de tenter d’y voir plus clair de la manière la plus objective possible, nous avons décidé de vous proposer ce petit dossier au sein duquel nous allons énumérer les atouts de l’avant 2000 et ceux de l’après 2000. N’hésitez pas à enrichir ce contenu en nous faisant par de vos avis, critiques et autres commentaires constructifs.

Formule 1 : “C’était mieux avant”…

Les sonorités des moteurs

Le V12 Ferrari de 94, un pur bonheur pour les oreilles...

Le V12 Ferrari de 94, un pur bonheur pour les oreilles…

Voilà un sujet qui revient souvent sur la table depuis le passage à la technologie hybride, le son des moteurs, qui s’apparente désormais d’avantage à ce que pourraient produire des tondeuses de compétition. Néanmoins, les choses s’améliorent si l’on compare les saisons de Formule 1 2014 et 2015, ce problème de son faisant partie des préoccupations premières, sur demande des fans, quels que soit leur âge. Retrouverons-nous pour autant les sensations auditives connues dans les années 80 ou 90 ? Probablement que non. Mais, malheureusement, il va falloir s’adapter, l’évolution appelant au respect de l’environnement et aux économies d’énergie, la pénurie de pétrole à venir incitant à tendre vers l’hybride puis, le “tout électrique”.

Tout le monde se souvient, la saison passée, de quelques duels fratricides entre les Mercedes d’Hamilton et Rosberg, qui nous tenaient en haleine en nous faisant totalement oublier le manque de sonorités. La solution reste donc, de relancer le spectacle en piste, avant tout…

L’absence de pénalités et la souplesse du règlement

Par “absence” nous entendons plutôt “rareté”. Avant que le règlement de la FIA n’impose toutes sortes de choses comme l’étrange permis à points, les pénalités de places pour changement de moteur/boite ou des sanctions liées à des manoeuvres en piste viriles, les pilotes de Formule 1 avaient la possibilité de s’exprimer librement. Coups de roues, freinages tardifs, peu de choses étaient sanctionnées afin de ne pas altérer la qualité du spectacle et dans le but, aussi, de ne pas rendre les pilotes “frileux”, comme cela peut-être le cas aujourd’hui.

Au-delà de toutes ces pénalités, c’est surtout la justice à deux vitesses qui fait débat, les sanctions étant parfois appliquées pour un pilote mais pas à un autre dans une situation identique. Est-il normal de sanctionner un pilote envoyant un concurrent dans le bac à gravier en raison d’une erreur de pilotage ? Non. Cela doit être classé dans les incidents de course. Le principal problème vient sans doute du commissaire en chef, un pilote de Formule 1, différent à chaque course. Peut-on espérer que Derek Warwick, Mark Blundell, Martin Donnelly ou Mika Salo rendent les mêmes verdicts ? Bien sûr que non…

En conséquence, il serait bon de choisir un seul ex-pilote de F1 pour l’ensemble d’une saison et d’assouplir sérieusement les règles lors de manoeuvres de dépassements mais, aussi, lorsque des éléments mécaniques doivent être remplacés. Pourquoi pénaliser un pilote lorsque son moteur vole en éclat en qualifications ou en essais libres ? Cela ne parait pas juste. Si pénalité il doit y avoir, mieux vaudrait retirer quelques points aux écuries concernées dans le cadre du classement des constructeurs.

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Les circuits

Alors, bien sûr, cela pourrait choquer à l’heure ou la sécurité est au centre des débats, particulièrement depuis le dramatique accident d’Ayrton Senna en 1994, à San Marin. Néanmoins, il faut bien avouer que le défi d’aujourd’hui ne ressemble plus beaucoup à celui “d’avant”, sur la piste. Tous les tracés récents ressemblent d’avantage, en effet, à des “billards”. Pas de bosses, aucune aspérité, tarmac propret et régulièrement remis à neuf, ne reste plus qu’à appliquer la théorie des freinages et des trajectoires pour réaliser un bon chrono. Nous schématisons, évidemment, car un excellent pilote sera toujours plus rapide qu’un bon pilote, quel que soit la nature ou l’état du circuit.

Cependant, ces circuits bosselés, cabossés, permettaient toujours aux meilleurs pilotes de réaliser de grandes choses au volant de monoplaces n’étant pas favorites (nous pensons à Senna, Schumacher, Prost et de nombreux autres). La capacité d’adaptation, l’improvisation et plus simplement, l’instinct ou l’intuition avaient en effet une grande part à jouer dans l’équation, ce qui rendait les résultats moins prévisibles. Reste toutefois quelques Grand-Prix demeurant dans cet esprit, comme celui d’Interlagos, Brésil, qui reste un Grand-Prix “à l’ancienne”, généralement riche en rebondissements, que le sol soit sec ou humide.

Pour autant, aucun accident grave n’a été à déplorer sur cette piste depuis un certain nombre d’années…

La liberté de développement et de choix techniques

La Tyrell P34, la seule F1 à six roues...

La Tyrell P34, la seule F1 à six roues…

Aujourd’hui, si un constructeur vient en Formule 1, c’est avant-tout pour des raisons de marketing. Le règlement offre, en effet, peu de liberté aux ingénieurs, qu’il s’agisse des moteurs ou de l’aérodynamique. Si nous prenons l’exemple des années 1990, des moteurs V8, V10 ou V12 se cotoyaient, offrant des avantages et des inconvénients en matière de performance (selon les circuits) et de consommation d’essence. Cela ajoutait un défi supplémentaire et des opportunités selon la nature de ces choix. Prenons par exemple la saison 1994, dominée par Schumacher et sa Benetton à moteur V8 Ford, qui ne pouvait pourtant rivaliser en performances avec des Ferrari V12 sur des circuits rapides tels Hockenheim et Monza. De son côté, la Williams motorisée par le V10 Renault disposait d’un compromis lui permettant d’être bien sur les circuits lents, rapides ou à moyenne vitesse.

Dans un registre différent, la présence de moteurs clients quasi officiels, les V8 Ford/Cosworth, donnait aux écuries financièrement en difficulté la possibilité de courir dans de bonnes conditions. Nous pouvons citer, en restant sur cette saison 1994, les Larousse, Minardi et autres Arrows, qui avaient été en mesure de réaliser de bons résultats en début de saison.

Sur le plan aéro et/ou du châssis, de jeunes ingénieurs de talent pouvaient offrir à de petites écuries des solutions novatrices leur permettant de tirer leur épingle du jeu sur certains Grand-Prix. Il s’agissait alors d’une vraie vitrine technologique qui laissait émerger toutes sortes de solutions et innovations intéressantes. Chaque équipe faisait ses propres choix sans être contrainte à se conformer à un règlement trop rigide et peu permissif.

Le plateau

Avec seulement dix écuries (20 monoplaces, quatre constructeurs) de Formule 1, il est clair que la plateau s’est réduit comme peu de chagrin ces dernières saisons. Alors que dans les années 1990, jusqu’à 36 monoplaces (18 écuries et jusqu’à 10 constructeurs…) participaient aux pré-qualifications. Ce qui donnait d’avantage de valeur à une sixième place à l’époque (dernière place permettant de marquer des points en ce temps là.). Bien sûr, ce sur-nombre rendait la tâche très compliquée aux très petites écuries, nouvelles arrivantes en Formule 1.

Le deuil de cette période semble toutefois nécessaire à faire, l’escalade des coûts et le partage inégal des droits TV ne permettant plus à des constructeurs de châssis/moteurs et nouvelles écuries d’effectuer le grand saut dans de bonnes conditions.

Formule 1 : “c’est mieux maintenant”

La distribution des points

A l’inverse, le nouveau barème de points fait partie des très bonnes évolutions de la Formule 1 moderne. Imaginez un tel barème dans les années 1990. Très clairement, cela aura permis à certaines écuries de se maintenir dans la catégorie reine du sport automobile en marquant des points au championnat des constructeurs, entraînant ainsi le remboursement de tous les frais de déplacements, en plus des primes de course et des retombées médiatiques pour les différentes sponsors de ces petites écuries. Car, de nos jours, rares sont les écuries terminant un championnat sans avoir marqué le moindre point. C’est le cas de Manor, qui avait cependant ouvert son compteur la saison passée au Grand-Prix de Monaco, avec le regretté Jules Bianchi, grâce à une neuvième place…

De quoi attirer de nouvelles équipes et constructeurs, qui auraient été plus frileux dans les années 80 ou 90. Reste toutefois ce problème de coûts et de règlement trop restrictif.

La réduction des coûts

Luxe et démesure dans le paddock de la F1...

Luxe et démesure dans le paddock de la F1…

Bien que le budget de fonctionnement nécessaire à un engagement en Formule 1 reste bien trop élevé pour permettre à de nouvelles écuries d’émerger et de se maintenir, des efforts ont réellement été faits. A défaut d’écuries privées ou indépendantes, certains constructeurs s’intéressent à nouveau à la F1, comme Honda, arrivé cette année. Reste à redéfinir ces réductions de coûts, de manière à ne pas persister dans cette voie d’une Formule 1 s’apparentant d’avantage à une épreuve d’endurance allant à l’inverse de son identité initiale.

Au lieu de partir dans des restrictions touchant les quotas de moteurs, boites de vitesses et autres éléments mécaniques (nuisant à l’idée d’une Formule 1 “sprint”), mieux vaudrait réduire les coûts d’engagement, pénalités financières ou surenchères de matériel secondaire comme les Motorhome.

Pour pousser la chose plus loin, la création d’éléments mécaniques “clients”, moins coûteux, permettrait également de réduire la note. La FIA semble toutefois aller dans la bonne direction en essayant déjà de créer des moteurs clients aux tarifs plafonnés, afin de donner un coup de pouce aux équipes financièrement instables et autres écuries en panne de moteur, comme Red Bull et Toro Rosso. Un moteur Cosworth V6 hybride existe, alors pourquoi ne pas s’en servir à ces fins ?

La sécurité

Voici probablement l’élément le plus satisfaisant de la F1 moderne. Les accidents mortels de Senna, Ratzenberger, Bianchi, ainsi que d’autres comme ceux de Wendlinger ou Massa ont en effet entraîné une prise de conscience. Cellules de protection dans le cockpit, système Hans préservant la nuque des pilotes, roues solidarisées aux monoplaces même en cas de crash, de nombreuses mesures bénéfiques ont été prises, Une bonne chose pour la sécurité des pilotes, oui mais…Sans manquer de respect aux victimes et à leurs familles, il se pourrait qu’à trop vouloir maîtriser un aspect qui ne le sera jamais totalement dans un sport dont les acteurs dépassent allègrement les 350km/h, ne tiendrons-nous pas, à ce niveau, un des éléments ayant fait perdre à la Formule 1 de son spectacle ?

Par spectacle, n’y voyez aucune considération morbide, les accidents graves n’ayant aucune vocation positive. Cependant, la multiplication des mesures de sécurité passant par la réduction des vitesses atteintes par les monoplaces (du moins en théorie) ou par des interruptions de course abusives pour remettre en place 1 mètre de rail de sécurité ont tendance à nuire à l’intérêt que peuvent porter les spectateurs à ce sport.

De nos jours, des catégories inférieures comme le GP2, voire l’endurance ou même l’Indycar se rapprochent largement des Formule 1 en termes de temps au tour. Cela ne peut, bien évidemment, continuer ainsi. Le risque, fait partie de ce sport et tous les pilotes le savent pertinemment. Courir avec un minimum de risques, c’est du bon sens mais tenter de faire en sorte que le risque zéro soit une règle, cela est totalement utopique.

D’autant que le respect envers les pilotes et l’admiration que nous leur portons viennent aussi de cette nature dangereuse à laquelle ils font face à chaque fois qu’ils prennent la piste. Dur, mais réaliste. Les pilotes de Formule 1 sont et doivent rester des “super-héros”.

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Le respect de l’environnement

L’arrivée des moteurs hybrides marque l’entrée d’une nouvelle ère. Celle d’un sport automobile plus respectueux de l’environnement. Une technologie hybride qui sera très probablement remplacée, un jour ou l’autre par du 100% électrique, comme cela se fait déjà avec succès en Formule E. Et bien que l’idée d’abandonner les gros moteurs bruyants et gourmands en essence avec les sons et odeurs allant avec soit difficile à concevoir pour un fan de la première heure, la pénurie de pétrole à venir et le besoin de préserver la couche d’ozone nous entraînent irrémédiablement vers cette tendance.

Outre ces moteurs hybrides, les infrastructures des circuits se dirigent aussi, lentement, dans cette direction. Des systèmes permettant de récupérer les rejets de liquides divers (essence, huile) déposés sur l’asphalte via des systèmes de rigoles et de puits récupérateurs existent déjà et doivent se généraliser dans le futur.

Les efforts faits sur la notion de “show”

Si les pilotes et écuries de Formule 1 restent bien trop inaccessibles aux fans, à l’inverse d’un championnat comme la Formule E, notons les quelques efforts faits pour renforcer les liens entre les stars du pilotage et leurs supporters. Depuis quelques saisons, des personnalités issues du sport automobile ou non réalisent des interviews d’après-course sur le podium, afin de recueillir à chaud les impressions des pilotes. Une opportunité pour ces compétiteurs de partager, en direct, avec les spectateurs venus encourager leurs idoles sur les circuits. Un moyen, aussi, de leur donner un aspect plus “humain”. Excellente idée qui doit impérativement initier d’autres actions de ce type.

Les communications rendues publiques offrent également un vrai plus en matière d’immersion, les réactions des pilotes sous adrénaline, dans le feu d’action, ayant de quoi captiver les fans et, une nouvelle fois, leur rendre ce côté humain, que l’on perd parfois un peu de vue. Parmi les choses restant à travailler, nous pensons principalement à la notion d’interaction avec les fans via Internet et les réseaux sociaux. Cela se fait dans d’autres disciplines et cette évolution est tout bonnement inévitable à moyen terme.

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F.I.A : de bonnes idées malgré tout...

F.I.A : de bonnes idées malgré tout…

En conclusion, ce dossier met en évidence les choses positives apportées ces dernières années en Formule 1 et il y en a. Néanmoins, certains éléments du passé devraient être reconsidérés par les pouvoirs sportifs ainsi que des évolutions naturelles liées aux progrès technologiques effectués, notamment dans le domaine des multimédias.

C’est principalement sur l’amélioration des liens entre les pilotes et les fans et sur le principe de spectacle accru en piste que repose le succès populaire et à venir de la Formule 1. Supprimer des artifices tels que le DRS, les pénalités innombrables compliquant la compréhension des fans (et même, des publics les plus connaisseurs…) et rendant certains pilotes frileux dans leurs manoeuvres de dépassements mais aussi, offrir d’avantage de liberté aux ingénieurs et constructeurs/écuries indépendantes, voici quelques idées pas dénuées de sens, selon nous.

Bien sûr, la réduction des coûts doit être poursuivie et partiellement repensée et la génétique de la Formule 1, reposant sur des courses “sprint” au cours desquels la gestion des pilotes se limite à la bonne tenue de leurs gommes doit effectuer son retour afin de laisser ces compétiteurs s’exprimer sans devoir lever continuellement le pied pour diverses raisons. Mention bien, en revanche, pour l’amélioration de la sécurité des pilotes et l’introduction de technologies plus respectueuses de l’environnement.

Pour finir, je me permets de m’exprimer à la première personne pour préciser que mon expérience de pilote automobile -aussi modeste soit-elle- m’a permis d’apporter à ce dossier un point de vue aussi sportif -en tant qu’acteur- que journalistique, tout en m’appuyant sur mon expérience de spectateur, des années 1990 à nos jours. Je terminerai donc en vous disant que, la Formule 1, “c’était très bien avant”, mais “c’est pas si mal maintenant” !

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