Le Mag Sport Auto

Rétro : Moteur W12, l’aventure chaotique en Formule 1

W12 MGN F1

Les moteurs V8, V12, ont régné en maître sur la F1 depuis les années 70, puis les moteurs turbocompressés ont émergé et dominé le sujet dans les années 80, avant d’être interdits. Puis la formule 1 est revenue au moteur atmosphérique. Renault après avoir introduit le Turbo, introduira le V10 qui régnera sans partage jusqu’en 2005. Depuis 2014, les nouveaux moteurs Hybrid font beaucoup parler. Certains les détestent d’autres pensent qu’ils sont la suite logique de l’évolution de la discipline. Pourtant une autre architecture, a tenté de percer sans succès, l’architecture en W de 12 cylindres, le W12.

Cette conception du moteur apparaît dans les années 1929 et connaît son heure de gloire avec le premier W12 Napier Lion qui bat les records de vitesse. Mais la complexité et le coût d’une telle technologie font que les motoristes reviennent à des moteurs en ligne (L) qui seront avec l’architecture en V la norme jusqu’aux années 70.

Franco Rocchi ressuscite le W12

W12 Life-RocchiEn 1989, l’ingénieur italien Franco Rocchi remet sur la table la technique du W12, il conçoit un moteur qui dans l’idée doit avoir l’avantage du V8 pour la masse et la puissance d’un V12. L’italien a travaillé comme ingénieur moteur pour Ferrari. Son projet est racheté par son compatriote Ernesto Vita qui y voit l’occasion de le vendre à une équipe de F1. L’interdiction des moteurs Turbo a attiré de nombreux nouveaux motoristes, Judd, Ilmor ou encore Yamaha.

Beaucoup se tournent vers Ford et son traditionnel V8, Judd ayant été également dans cette voie tout comme Hart. Ilmor et Yamaha suivront l’exemple de Renault avec un V10, imité plus tard par Honda et Mugen. Ferrari restera jusqu’à la fin des années 90 sur un V12. Subaru avait tenté une approche différente en 90 avec un moteur à plat de 12 cylindres. Le Flat12 avec l’équipe Coloni. Sans succès, à mi-saison Subaru retire son moteur et finance le Ford de l’équipe Coloni pour le reste de l’année. Vita se retrouve donc avec un W12 Rocchi sur les bras, aucune écurie n’ayant voulu tester ce moteur pour le moins original.

FIRST Racing L189 JuddLe transalpin ne se décourage pas et rachète le châssis FIRST L189 de Lamberto Leoni qui n’a pas réussi à s’engager en F1, hormis lors du Bologna Motor Show en Italie. La L189 avait été conçue par un studio de design de Milan ou travaillait un ancien ingénieur Ferrari. La FIRST L189 est fragile et pas sécuritaire. Les concepteurs de la voiture alertent l’équipe FIRST de ne pas l’engager. Monsieur Vita ayant récupéré ce châssis L189, il le fait modifier pour le règlement 1990 et donne naissance à la L190. Il engage donc sa propre voiture sous le nom de Life Engines Racing.

Le pilote Australien Gary Brabham, l’un des fils de Jack Brabham, est recruté pour piloter là L190 à moteur W12 Rocchi. Life est la seule équipe, avec Ferrari, à tout concevoir en interne lors de cette saison 90. L’équipe Life est petite, une vingtaine de personnes, un seul châssis, presque aucune pièce de rechange pour la voiture ou le moteur. L’équipe se présente le vendredi matin lors des pré-qualifications de rigueur à l’époque avec plus de 30 voitures engagées. Quand la voiture tenait le coup, le moteur lui rendait l’âme. Quand Gary Brabham parvenait à faire un tour chronométré, c’était à des années-lumière de la pole position, et même du dernier non-préqualifié, 2.07.147 à Phoenix à 38 secondes du meilleur temps. Au Brésil, Brabham ne fera pas plus de 400 m.

L190-W12Devant le fiasco annoncé, l’Australien quitte l’équipe. Il est remplacé sur la voiture rouge 39 par le vétéran Bruno Giacomelli. Pour sa première course avec Life, Giacomelli enregistre un tour en 7.16.212 au Saint-Marin, 424 secondes de la pole position. À Monaco l’espoir arrive chez Life, en tournant en 1.41.187, 13 secondes de la pole, toute l’équipe pense être sur la bonne voie, au Canada la voiture est à 20 secondes. Hélas au Mexique, Life et son W12 retrouvent leur rythme habituel, 4.07.475 pour seul temps enregistré. Le moteur est fragile et l’architecture en W très complexe pour une structure si petite.

Après quelques courses, Life abandonne le W12 pour un V8 Judd. Les temps au tour sont meilleurs, mais la voiture s’avère être tellement peu fiable également que le pilote ne franchira jamais les préqualifications. En 14 Grands Prix et aucune préqualification, Ernesto Vita jette l’éponge avant la fin de la saison. La voiture et le moteur seront rachetés. Aujourd’hui, ils roulent parfois lors d’événements historiques comme le festival de Goodwood. Le W12 Rocchi rendait 400 chevaux aux autres moteurs, la vitesse maximale atteinte fut de 250 km/h maximum. Une « grosse F3 » engagée en F1.

AGS-MGN W12Après une telle catastrophe personne n’aurait jamais imaginé que d’autres se lanceraient dans l’aventure du W12. Pourtant, l’ingénieur Français, Guy Nègre et sa société MGN (plus tard Motor Développement International) se lancent dans la construction d’un W12. Persuadé que malgré la technicité de l’architecture W, un moteur bien conçu et financé serait plus puissant qu’un V12. MGN souhaite engager son moteur en F1, des tests sont organisés avec un châssis AGS en 90. Mais c’est finalement en endurance que le moteur trouve preneur. MGN propulsera Norma.

Norma M16 MGN W12La Norma M6 à moteur W12 MGN F1 arrive pour les 24H du Mans 90. La voiture ne roulera que pour la traditionnelle pesée, avant que le moteur ne tombe en panne. Il est démonté, mais ne sera jamais réparé à temps. L’équipe est forfait. Une expérience douloureuse, le directeur de l’équipe Nobert Santos reçoit une demande de remboursement de la part des sponsors, 300 000 euros.

L’aventure W12 MGN n’ira pas plus loin que ce fiasco de plus. Un moteur en W, aussi compacte qu’un V8 et puissant qu’un V12 ne sera plus jamais tenté en sport automobile.

Bugatti Veyron 16.4 W16Aujourd’hui quelques Bentley et Audi R8 utilisent un double VR6 à 72°. Mais pas en compétition. Bugatti a sorti la Veyron 16.4, en 2010, propulsée par un moteur en W de 16 cylindres et 4 turbocompresseurs, 1200 chevaux, plus de 400 km/h de vitesse de pointe. Développé par le groupe Volkswagen, les W12 et 16 pour routières sont fiables et puissant grâce à l’investissement colossal de l’entreprise, mais il faut débourser pas moins de 2 millions d’euros pour une telle voiture.

 

 

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *