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ITW Richard Arnaud (Race Clutch): “Les grilles eSport sont plus relevées qu’en sport auto”

Richard Arnaud (manager de l'équipe eSport Race Clutch) posant sur le pneu avant d'une Formule 4

Passer du virtuel au réel, c’est l’expérience qu’a vécue cette année Hugo Le Henaff, simracer pour l’équipe eSport Race Clutch. Une opportunité de démocratiser encore plus cet univers, selon son manager, Richard Arnaud. Nous l’avons rencontré lors de notre reportage sur l’école de pilotage de Jacques Villeneuve et Patrick Lemarié: Feed Racing France, à Magny-Cours.

LMSA: Placer un pilote de votre équipe en sport automobile était-il un souhait de longue date?

Je ne dirais pas que c’était planifié, mais j’avais l’idée de placer un pilote dans le monde réel un jour ou l’autre. Quand, je n’en savais rien, cependant nous avons eu la chance de trouver les bonnes personnes au bon moment et ça c’est fait avec Hugo. Cela nous a permis de montrer notre potentiel à créer des opportunités pour nos joueurs. Et Hugo en est le parfait exemple, avec le Volant Winfield et Feed Racing.

LMSA: Comment s’est déroulée la prise de contact avec les équipes de Feed Racing France? Avez-vous senti un intérêt certain de leur part?

Le parcours un petit peu atypique d’Hugo lors du Volant Winfield a fait parler et à la suite, Patrick Lemarié et Jacques Villeneuve nous ont contacté. Ils sont venus vers nous pour nous proposer de participer à Feed Racing France. Il faut savoir que Jacques Villeneuve n’est pas novice dans le milieu du simracing. Il roule beaucoup sur rFactor 2 et donc trouvait l’histoire sympa.

LMSA: C’est donc Hugo le Henaff, simracer sur les jeux de Formule 1, qui vous représente. Pourquoi lui?

On s’est principalement décidé sur un critère d’âge, mais aussi de maturité. Pour le Volant Winfield, on était d’abord sélectionnés sur dossier. Donc il fallait faire un CV, une lettre de motivation mais aussi décrire tout ce que l’on pouvait mettre en place au niveau de la communication autour du pilote. Puisque l’aspect marketing en dehors de la piste est très pris en compte. Il y a aussi une grande partie concernant la manière d’aborder les courses, la préparation. Celui qui est ressorti au niveau de tous ces critères, c’est le plus jeune de l’équipe, Hugo. On l’a présenté et il a assuré de ses premiers tours jusqu’aux quarts de finale, tout simplement.

LMSA: En tenant compte de son expérience très limitée du sport automobile, pensiez-vous qu’il irait aussi loin au début de cette compétition?

J’étais confiant, en fait. On ne sait jamais réellement à quoi s’attendre avec un simracer. L’eSport et le sport automobile sont deux mondes différents. Le fait qu’il se soit qualifié en quarts de finale, c’est une bonne surprise, mais je ne suis pas complètement étonné non plus. En simulateur, il a le talent et il peut corréler ce qu’il fait du virtuel vers le réel. Demain, on peut même trouver le prochain Schumacher et l’amener au sommet pour des coûts bien moindres.

LMSA: En tant qu’équipe eSport, que peut lui apporter la Race Clutch dans ce passage du virtuel au réel?

Que ce soit sur des évènements eSport ou réel, j’essaye d’abord d’accompagner les membres de l’équipe. De manière générale, en étant présent pour prendre soin de leur sommeil, leur alimentation. Tous ces petits détails que l’on retrouve déjà dans le sport automobile. Mais notre principale signature, c’est d’apporter une expertise du virtuel vers le réel. On l’a mise en place ici en faisant s’entraîner Hugo sur iRacing (simulation automobile très poussée, ndlr). Ceci afin de lui faire comprendre les réglages, la télémétrie, dégrossir un petit peu tout ce qu’il peut rencontrer en vrai sport automobile. Avec un simracer comme avec un pilote, les métiers d’encadrement ne sont pas différents. Et faire tout ce travail permet d’arriver avec moins de surprises, donc plus de maîtrise. C’est ce qui amène la performance.

LMSA: Préférez-vous que votre pilote se concentre sur le réel ou le simracing?

L’un ou l’autre sont aussi importants et pas incompatibles. On choisit en fonction du calendrier et des objectifs. Si on est sur une semaine de course, on va la privilégier. Puis avant les déplacements à Feed Racing, on se concentrait là-dessus, quitte à ce qu’Hugo rate des courses virtuelles. On calcule en fonction des emplois du temps, des études et évidemment, de la vie à côté.

LMSA: Ces derniers temps, sentez-vous un changement de regard des acteurs du sport automobile envers l’eSport?

Un changement s’est vraiment initié depuis deux ans, avec l’arrivée des F1 Esports Series. Vu que la Formule 1 s’y est mis, tout le monde a commencé à regarder. Il y a encore de la pédagogie à faire auprès de beaucoup d’acteurs, eSport et sport automobile restent différents. Par exemple, l’argent est beaucoup moins une clé dans la performance. Aux F1 Esports, toutes les voitures sont similaires à 99%. Donc le talent est au centre et les grilles eSport ont un niveau bien plus relevé que les meilleures catégories de sport automobile. Aux F1 Esports, 22 pilotes sur 28 ont marqué des points, ça montre le niveau. Un dixième c’est plusieurs positions de gagnées ou de perdues. En F1, c’est aussi très serré dans le milieu de grille, sauf que par rapport à la tête, y a quasiment une seconde. Avec ça, le milieu est légitimé. On le voit de plus en plus comme de la course automobile, pas simplement comme des gens jouant aux jeux vidéo.

LMSA: Avec cela, est-il plus facile pour votre structure de trouver des partenaires?

L’eSport, même en général, reste un domaine nouveau et le simracing est une niche. Les audiences montrent toutefois que nous sommes très bien lotis (près de six millions de fans ont suivi les F1 Esports Series, ndlr). Cela nous permet d’être écouté beaucoup plus facilement. Il y a deux ans, on était des martiens, maintenant les gens savent de quoi on parle. Après ça reste un milieu jeune et des décisions d’entreprise sont souvent longues. Ça démarre, c’est supporté par des gens avec de l’expérience, il y a une base solide par rapport à n’importe quel autre eSport avec une fan-base. Pour des partenaires ça facilite le dialogue, même si ce n’est jamais facile de décrocher un partenariat.

LMSA: Pour une équipe eSport, quel est l’intérêt d’investir dans le sport réel?

On suit deux choses: les tendances qui font qu’on peut faire vivre l’entreprise et générer des revenus, mais aussi les volontés des pilotes. Quels sont leurs projets, comment on va les aider à atteindre leurs objectifs dans l’eSport… ou le réel. C’est deux domaines qui se confondent, sont extrêmement liés. Donc pour nous légitimer et montrer notre sérieux, c’est intéressant. Ça se professionnalise énormément, le sport auto le comprend et il faut que l’on s’y connecte. Aussi afin montrer que le simracing peut être une passerelle vers le réel.

LMSA: Si Hugo l’avait emporté, auriez-vous continué à le suivre? Votre rôle aurait-il évolué?

Le rôle n’aurait pas spécifiquement changé. J’aurais essayé de l’accompagner sur autant de courses que possible. Cela aurait également été un bond pour la structure, qui nous aurait légitimé. Ça aurait prouvé qu’on est capable d’amener un jeune du simracing au réel. Nissan l’a fait avec la GT Academy, donc en soi ce n’est pas révolutionnaire, mais ça aurait validé notre expertise.

LMSA: Espérez-vous renouveler l’opération dans les années à venir?

Clairement, on espère renouveler et même aller encore plus loin. On a eu l’opportunité parce que l’équipe s’est beaucoup légitimée sur la scène simracing. La volonté pour les années à suivre, c’est de structurer ça et l’ouvrir à plus de monde.

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